La messe des fous

Disque La Messe des Fous de Berry Hayward et Claire Caillard

31 mai 1988

 

Au Moyen-Âge, la Messe des Fous, ou Messe de l’âne, était célébrée à l’époque de Noël. Elle s’intègre à une longue tradition de réjouissances marquant le solstice d’hiver dont l’origine serait les Saturnales romaines de l’Antiquité. Comme les Saturnales, la Messe des Fous est la mise en scène du renversement de l’ordre social et de l’autorité : un « roi » (le « fou ») est élu parmi les jeunes et démunis ; serviteurs et maîtres échangent leurs rôles ; les célébrants se font des dons rituels de cadeaux pastiches et de nourriture, et prononcent des oraisons et des discours burlesques ; le tout se déroule dans une ambiance de joie et de sociabilité où prime le jeu (ludus) sans sacrifier la signification morale sous-jacente à la cérémonie.

 

Gilbert Rouget (La Musique et la Transe) tout en identifiant l’origine de l’opéra comique dans la Fête des Fous du Moyen-Âge, se pose la question suivante : « Ces Fous n’‘auraient-ils pas été purement et simplement des possédés ? Sauf erreur, il y aurait bien des raisons de le croire… » (p. 341). La Messe des Fous est souvent évoquée comme une fête aussi violente que burlesque : les jeunes clercs qui en étaient les maîtres de cérémonie bafouaient la hiérarchie ecclésiastique et la liturgie avec mots grossiers et blasphématoires, charivaris, élection du « fou » comme faux évêque, vêtements du clergé parodiés et dégradés, encensoirs puant de déchets animaux, introduction d’un âne dans la Cathédrale, son intronisation devant l’autel… Mais si ce déchaînement reflète un état de possession, elle nous rappelle alors la frénésie de certaines renaissances rituelles. Le rite s’articule ainsi que mythe, et la fête, par des actes régénérateurs violents, faits ressurgir un temps originel, un temps primordial où recommence symboliquement la création, évoquant le chaos des origines. L’écoulement harmonieux et régulier du temps capté par la liturgie médiévale est soudainement brisé. La Messe des Fous serait un scénario exemplaire permettant à l’homme de vivre ainsi le sacré par la transgression et de transcender le temps profane « à la façon d’un point qui touche à la sphère en mouvement » (M. de Gandillac, « Répétition et Renaissance » in Eliade, Cahiers de l’Erne).

 

Les interprètes :

 

Stepan Aguert : psaltérion

Claire Antonini : luth médiéval

David Bellugi : flûtes-à-bec

Isabelle Caillard : vièle à archet

Claire Caillard-Hayward : orgue 

Bruno Caillat : percussions

Chris Hayward : percussions, flûtes-à-bec, flûtes traversières

Berry Hayward : chalumeaux, flûtes-à-bec, direction

Françoise Johannel : harpes

Groupe Vocal Claire Caillard-Hayward